CHARTE

INTER-RESEAUX MEMOIRES-HISTOIRES

Les années 1990 ont vu l’émergence croissante et multiple de «projets mémoriels » en France. A partir des années 2000, la mise en réseau – dans nombre de régions – d’acteurs associatifs et culturels travaillant sur les questions mémorielles (migrations, questions urbaines, travail…) constitue une réalité favorisant de nouvelles dynamiques citoyennes par les échanges, la mutualisation des expériences, les collaborations et la mise en partenariat d’initiatives locales. L’existence de ces réseaux régionaux correspond à une demande sociale, culturelle et éducative forte.

Le développement d’institutions spécialisées parallèlement aux orientations récentes de dispositifs publics, plus particulièrement dans le cadre de la politique de la ville, semblent attester d’un certain volontarisme politique en la matière. La diversité des disciplines, des formes de restitution et d’organisation d’événements autour de tels projets sont également autant d’autres indicateurs : études et recherches, séminaires, recueil de témoignages, expositions, pièces de théâtre, productions filmiques… se multiplient ! Ces actions « mémorielles » sont régulièrement valorisées au travers des programmations de biennales et des rencontres thématiques organisées par les différents réseaux régionaux !

L’ensemble des sujets de société sont abordés à l’occasion de ces manifestations : l’histoire de l’esclavage, celle de la résistance et la déportation, les migrations, les identités culturelles, le monde du travail et les luttes du mouvement ouvrier, les luttes sociales et politiques, les lieux de mémoire, les images et les stéréotypes sur les territoires de la périphérie et de la « banlieue », les enjeux d’éducation et de transmission, la participation citoyenne et les pratiques de démocratie locale…

Les projets mémoriels peuvent être analysés comme des tentatives démocratiques essentielles. L’hypothèse est que le développement de la participation démocratique passe nécessairement par une prise de conscience, par les individus ou le collectif (notamment les associations), des éléments d’une mémoire commune qui forge un lien entre les personnes, les lieux et les événements dont les traces sont de moins en moins perceptibles aujourd’hui. À travers les projets mémoriels se forge donc progressivement une identité qui n’est plus subie mais revendiquée, et un désir de participation active à la vie de la cité. Les mémoires produites et restituées constituent pour les habitants des ressources symboliques, identitaires et militantes incontournables sur lesquelles repose le développement démocratique.

De fait, les questions des identités, des mémoires, des patrimoines et des territoires sont indissociables et ne peuvent être élaborées séparément. De plus en plus de citoyens, d’acteurs associatifs et culturels, institutionnels et politiques, artistes, chercheurs, enseignants, etc. agissent de concert pour proposer d’autres approches de ces questions. A ce titre, les réseaux régionaux Mémoires-Histoires constituent un cadre démocratique adéquat et pertinent favorisant une véritable intelligence collective d’action et d’intervention.

Un inter-réseaux consolide de manière permanente le travail de mémoire et d’histoire en ouvrant un horizon démocratique plus large.

Les projets « mémoriels » ont pour souci l’impact sur tous les publics car les « mémoires » singulières et plurielles s’inscrivent en toute légitimité dans une histoire plus globale des rapports sociaux individuels et collectifs. De fait, nous considérons que le travail de mémoire et d’histoire se situe dans une dynamique collective et globale des droits de l’homme et du citoyen, de lutte contre les préjugés, les stéréotypes, toutes les formes de discriminations et d’inégalités, et d’accès aux droits.

Il s’agit par conséquent à terme d’impulser au niveau inter-régional, national, voire européen et international, et en lien avec d’autres réseaux ces nouvelles dynamiques citoyennes ; inscrire plus durablement les actions sur les territoires et auprès des populations ; agir contre les logiques de cloisonnement dans un contexte de fragilisation économique et sociale de l’action collective. L’enjeu est scientifique, culturel et artistique, pédagogique et, bien sûr, interpelle le champ politique.

Dans une vision stratégique à long terme, ce nouvel enjeu nécessite un engagement politique et un soutien public et privé durables.